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HUMANS OF EM - RAPHAËL BAZOT

  • Déclic
  • il y a 12 minutes
  • 7 min de lecture

Peux-tu te présenter ? 


Je m’appelle Raphaël Bazot, je suis arrivé à l’EM en 2000, après deux ans de prépa au lycée Lavoisier, à Paris. Je suis sorti de l’emlyon en 2004. J’ai toujours travaillé dans le marketing, en particulier dans le luxe et la joaillerie. J’ai vécu et travaillé à Paris, Genève, Amsterdam, j’ai travaillé chez L’Oréal, Cartier, Chaumet, De Grisogono… Aujourd’hui, je suis indépendant, je fais du commerce de bijoux vintage, je donne des cours, et surtout, j’écris une méthode de marketing inspirée du positivisme, une philosophie du XIXe siècle.



Raphaël Bazot - Président du Raid 2002
Raphaël Bazot - Président du Raid 2002

Redresser une asso à 20 ans : mission impossible ?


Oui ! J’ai pris la présidence du Raid en 2002, et c’était loin d’être gagné. La Corpo est venue me voir en début d’année : l’association était en difficulté financière, les comptes étaient dans le rouge. Ils envisageaient de la reprendre en main. J’ai dit non. C’était une des premières fois de ma vie où j’ai vraiment élevé la voix pour défendre une idée. On a gardé notre indépendance, mais ça nous a mis une énorme pression : “Si vous foirez, il n’y aura plus de Raid l’année suivante.” On s’est lancés dans une année de dingue. On avait une équipe énorme : deux promos, des bénévoles, des professionnels. Le budget ? 300 000 à 350 000 euros.



Comment conciliais-tu cela avec l’emlyon ?


J’avais un aménagement de scolarité extrême : en 2e année, j’avais deux heures de cours par semaine, uniquement de l’anglais. J’ai passé l’année à faire du démarchage : ville de Lyon, aéroport, partenaires italiens à Turin… J’ai même dû aller chercher le boss de l’aéroport via la Chambre de commerce pour obtenir un chèque. Le gars m’a reçu, m’a traité de petit con, m’a filé le chèque, et m’a dit “dégage”. Mais au final, on a réussi. L’arrivée à Turin reste un souvenir fort : tout le monde en larmes, on s’était donnés à fond, et ça a soudé des amitiés pour la vie.



Comment était la vie associative à ton époque ? 


C’était vraiment une autre époque. Moins structurée, plus libre, plus sauvage, aussi bien pour le meilleur que pour le pire. On pouvait fumer partout, il y avait des cendriers dans les toilettes ! Chaque semaine, une soirée open bar sur le campus. J’ai listé Petit Paumé. J’étais président de ma liste, et on a perdu de très peu. Une vraie claque. Trois mois d’investissement à fond, jour et nuit, et tout se joue sur un vote. C’est marquant.



Peux-tu nous expliquer comment fonctionnaient les chefs pipos et chefs pipettes ? 


Après ça, je suis devenu pipo. À l’époque, les coachs n’existaient pas. Le système, c’était les pipos (garçons) et pipettes (filles), qui étaient les anciens de toutes les assos. On accompagnait les campagnes, mais c’était aussi un grand jeu. Il y avait un vocabulaire : les “croutés” (listeux), les “pipos/pipettes”, les “appis à or” (apéros imposés), les kidnappings… En 2e année, j’étais pipo pour le Ski Club, notre groupe s’appelait Travelo Public. En 3e année, pipo BDE, on s’appelait les Fuckers. C’était l’âge d’or du jeu de mots pourri et des déguisements grotesques. On avait des chorés, des bouquins de présentation, des week-ends entiers à organiser pour les listeux.



Comment étaient organisées les épreuves ?


Pendant trois mois, en tant que pipo ou pipette, on organisait des épreuves, souvent absurdes, parfois brillantes. On avait carte blanche. Par exemple :


  • Un parcours dans Lyon toute une nuit, où les listeux couraient d’indice en indice. À la fin, il ne se passait… rien. Et 4 h plus tard, on débarquait pour les réveiller.

  • Kidnapping au cinéma : on interrompait la séance, on montait sur scène, on embarquait des listeux puis on les mettait dans un train les yeux bandés, en leur faisant croire qu’ils partaient à Paris. Ils descendaient à la Part-Dieu.


L’objectif était de créer des souvenirs. Ce n’était pas censé être du bizutage, même si certains groupes dépassaient parfois les limites. Le système dépendait beaucoup de la personnalité des pipos et pipettes.



Comment es-tu passé du Raid à une carrière en marketing ?


Je faisais le tour des stands avec mon discours bien rodé. J’arrive chez L’Oréal, je commence à pitcher… Et la dame me coupe, me dit texto : « Ton truc est sympa, mais je m’en fiche. Par contre, viens passer un entretien pour un stage en marketing. »

De la manière la plus improbable : totalement par hasard. Pendant ma deuxième année à l’EM, je participais à un forum entreprises, mais pas pour chercher un stage. J’étais là pour trouver des sponsors pour le Raid Hannibal. Je faisais le tour des stands avec mon discours bien rodé. J’arrive chez L’Oréal, je commence à pitcher… Et la dame me coupe, me dit texto : « Ton truc est sympa, mais je m’en fiche. Par contre, viens passer un entretien pour un stage en marketing. » Je n’avais aucune idée de ce que c’était que le marketing. Mais je me suis dit : pourquoi pas ? Et c’est comme ça que j’ai atterri chez L’Oréal Luxe, sur la marque Armani. Premier projet : le développement d’un parfum Emporio. Complètement par hasard, je me retrouve à bosser sur un produit ultra exposé, avec une équipe expérimentée. C’était un peu le grand bain.



Quelle a été ton expérience du secteur de la grande consommation ? 


Après ce premier stage, j’en ai cherché un second, un peu plus opérationnel, toujours en marketing, cette fois dans la grande conso. J’ai été pris chez Kraft Foods, qui à l’époque s’appelait encore comme ça, avant de devenir Mondelez. C’était un géant du secteur agroalimentaire. J’étais chef de produit sur les chocolats Milka, Côte d’Or, Suchard… J’étais responsable du Din, une marque de chocolat aujourd’hui disparue. C’était très formateur. La grande distribution, c’est le temple du marketing analytique. Tout est millimétré : chaque promotion a un impact prévisible sur les ventes. On pouvait modéliser à l’avance l’effet d’un bon de réduction placé à tel endroit dans le rayon : +1,7 point de part de marché. C’est fascinant… et inquiétant aussi. Je me suis dit : « En fait, on est tous hyper prévisibles ». Cette expérience m’a marqué. Elle m’a donné une forme de lucidité : j’ai vu à quel point le marketing peut être une machine puissante, mais aussi impersonnelle. C’est là que j’ai commencé à développer un certain recul.



Comment as-tu trouvé ton premier CDI dans l’horlogerie de luxe ?


Encore une fois, tout est parti d’un coup de fil. Je galérais comme tout le monde, à envoyer des candidatures un peu partout — Mars, Yves Rocher, Air France Cargo à Madagascar, rien ne me faisait rêver. Et là, un pote du Petit Paumé me contacte : « Ma boîte à Genève cherche quelqu’un. Postule ! » Je tente ma chance. Je suis pris. Me voilà chez Baume & Mercier, chez Richemont. Et là, c’est la claque. Une boîte à taille humaine, ambiance familiale, mais avec les moyens d’un grand groupe. On est en plein boom du luxe, avant la crise : tout le monde est jeune, motivé, on bosse dur, mais on fait aussi la fête tout le temps. Il y avait des séminaires de folie, des événements grandioses… une vraie prolongation de l’EM : intense, festif, collectif.



Mais alors, pourquoi tout quitter ? 


Parce qu’une petite voix me soufflait : “Tu peux créer quelque chose à toi.” Je repensais à l’année du Raid, à ce sentiment puissant de construire ensemble. Alors j’ai tout plaqué, je suis retourné chez mes parents, et j’ai lancé un projet : WAP, une marque de vêtements un peu streetwear, un peu engagée, avec des valeurs écologiques et sociales. On voulait produire localement, s’inspirer de ce que faisait American Apparel à l’époque. J’ai embarqué trois potes. Je les ai convaincus de tout quitter. Et puis… j’ai flanché. Trop d’inconnues, trop de responsabilités. La prod textile ? Je n’y connaissais rien. J’ai eu peur. Et j’ai tout arrêté, avant de les entraîner avec moi.



Et finalement, LVMH ?


Oui, je rejoins Chaumet, maison du groupe LVMH, où je reste cinq ans. J’y gravis les échelons, jusqu’à gérer le marketing de la joaillerie, de l’entrée de gamme à la haute joaillerie de la place Vendôme. Un univers exigeant, ultra formateur, et franchement fascinant. C’était l’âge d’or : lancements de collections, montée en puissance de la marque, fashion weeks, shootings, salons internationaux… On baignait dans le luxe et le prestige. Mais malgré tout, une frustration sourde restait. Pas liée au poste, ni au salaire. Quelque chose de plus intime : le sentiment de ne pas être vraiment à ma place.



Et tu as tout quitté à nouveau ?


Oui. Mais cette fois, c’était différent. J’avais une famille, quatre enfants. Je savais que ce ne serait pas simple… mais je ne pouvais plus faire semblant. Je redeviens indépendant, je me lance dans deux projets de joaillerie. Financements trouvés, business plans solides… mais à chaque fois, je m’arrête juste avant le lancement. Pourquoi ? Parce qu’il manquait la conviction profonde. C’est à ce moment que je comprends que je ne veux pas créer une marque de plus, mais plutôt comprendre le monde dans lequel j’ai évolué. Je me mets à lire Auguste Comte, à explorer le positivisme, et une idée me vient : « Et si on appliquait ça… au marketing ? ».



Pour conclure, quels conseils donnerais-tu aux étudiants qui s’apprêtent à entrer dans le monde professionnel ?


Postulez partout, soyez prêts à bouger, et surtout acceptez le premier boulot même s’il n’est pas parfait. C’est souvent là qu’on apprend le plus. Il faut être humble, montrer sa motivation, et ne pas se décourager.

Le conseil le plus important, c’est d’être ouvert et flexible. Il ne faut pas se bloquer sur un plan rigide ou un secteur précis dès le départ. Postulez partout, soyez prêts à bouger, et surtout acceptez le premier boulot même s’il n’est pas parfait. C’est souvent là qu’on apprend le plus. Il faut être humble, montrer sa motivation, et ne pas se décourager. Ensuite, profitez à fond de votre temps à l’EM Lyon, investissez-vous dans la vie associative. Créez des liens vrais avec les autres étudiants, parce que c’est ce réseau humain qui sera votre plus grande force. Ces amitiés sincères vous aideront toute votre vie, autant dans vos projets professionnels que personnels. Je crois aussi que c’est important d’avoir un plan, mais d’être prêt à rebondir. La vie n’est jamais un long fleuve tranquille. Ce qui m’a aidé, c’est aussi cette énergie que j’ai puisée dans mes expériences associatives et les relations humaines. L’emlyon, c’est vraiment un moment pour vivre à fond, pour créer des amitiés durables et pour se découvrir.




 
 
 

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